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Le jour où les océans ont cessé de respirer…

Il y a 300 millions d’années, la planète a connu cinq crises d’asphyxie marine. En cause : des libérations massives de CO₂. Mais qu'en est-il aujourd'hui ?

Les gros "rots" de la Terre, et notre mauvaise haleine collective

Imaginez un monde où l’océan cesse de respirer. Mais genre... Littéralement ! 
L’oxygène se fait la malle, les espèces marines se raréfient, la biodiversité s’éteint à petit feu. Ce scénario  n’est pas une dystopie made in HBO Max ou Netlfix, c’est notre passé. Et peut-être notre futur... (Allez ! il commence très bien cet article)

Une équipe internationale menée par l’Université de Californie à Davis vient de publier dans PNAS une étude qui retrace cinq épisodes d’anoxie marine (oui ces chercheurs cherchent toujours à compliqué les termes, c'est un manque cruel d’oxygène dans les océans) survenus entre -310 et -290 millions d’années. À l’époque, de gigantesques éruptions volcaniques ont relâché d’immenses quantités de CO₂ dans l’atmosphère. Résultat : l’océan a perdu jusqu’à 12 % de son oxygène et mis la vie marine en pause pendant des millénaires.

Jusque-là, rien de neuf sous les cendres volcaniques. Sauf que…

Une crise d’hier, une erreur d’aujourd’hui

La chercheuse Isabel Montañez est formelle : la comparaison est valable. Sauf que cette fois, ce ne sont pas les volcans qui font péter le compteur de carbone. Roulement de tambour... "C’est nous." ! (les habitués de LIMIT l'ont vu venir à des KM) 
Et on va deux à trois fois plus vite que les anciens cataclysmes naturels.

Le cocktail CO₂/anoxie est le même. Mais le shaker, c’est Amazon (le site, pas la forêt), TotalEnergies et nos rêves de croissance infinie. En d’autres termes : les conditions qui ont failli tuer les océans reviennent, dopées aux énergies fossiles et à la mondialisation.

Isabel Montañez - Paléoclimatologue spécialisée dans les archives géochimiques des changements climatiques anciens

De la Chine ancienne aux supercalculateurs

Pour tirer la sonnette d’alarme, les scientifiques ont plongé dans des carottes sédimentaires prélevées dans le sud de la Chine (Naqing). Grâce à des isotopes d’uranium, ils ont pu cartographier précisément les effondrements d’oxygène marin.

Ils ont ensuite modélisé ces données sur superordinateur. Résultat : cinq "rotations massives de carbone" alignées avec des chutes d’oxygène océanique et des ralentissements dans l’évolution de la biodiversité. Pas de grandes extinctions, non. Mais un monde qui retient son souffle.

Et si la Terre de l’époque avait 40 à 50 % de plus d’oxygène qu’aujourd’hui, c’est bien la preuve que même un système bien pourvu peut vaciller.

Alors oui, ce graphique ci-dessus est pire qu'un saut en parachute en pleine ouragan, je vais donc vous aider à mieux le comprendre...

Partie A – Évolution de la biodiversité marine

  • Ce qu’on mesure ici :
    Nombre d’espèces (ligne noire fine)
    et de genres (ligne noire épaisse) marins au fil du temps.

Ce qu’on observe :

  • GOBE : Great Ordovician Biodiversification Event – gros boom de la vie marine.
  • OS : C'est l'ecxtinction de la fin de l’Ordovicien.
  • FF : La Crise Frasnien–Famennien (Dévonien).
  • CPBE : Le Carboniferous–Permian Biodiversification Event – un second boom de biodiversité.
  • PT : Extinction Permien–Trias – la plus grosse extinction connue.

Des grandes étapes d’explosion ou de chute de biodiversité :
En conclusion on voit clairement que certaines hausses ou chutes de la biodiversité sont synchrones avec des grands bouleversements environnementaux, qu’on va détailler dans la partie B.

Partie B – Composition de l’atmosphère et oxygène au fond des océans

Cette partie est plus dense et je ne vais pas vous cacher que j'ai demandé à un LLM de m'aider à la décrypter (c'est plus rapide que mes échanges de mails avec les chercheurs de l'ULB) en tout cas elle est super importante. Elle montre ce qui se passait dans l’air et dans l’océan pendant que les espèces disparaissaient ou explosaient.

Les courbes et boîtes orange : Uranium isotope δ²³⁸U

  • Sert d’indicateur indirect du niveau d’oxygène au fond des océans (anoxie = pas bon).
  • Chaque boîte représente une période de temps avec :
    • La médiane, les quartiles, les valeurs extrêmes.
    • Plus c’est élevé, plus il y avait de zones mortes (anoxiques) dans l’océan.

Résultat : des pics visibles pendant certaines périodes (notamment vers -300 Millions d'années), donc des moments où l’océan s’étouffe.

Les océans en première ligne

Ce qui inquiète aujourd’hui, c’est l’effet que ces nouvelles doses massives de CO₂ auront sur les zones côtières les plus riches en vie, mais aussi les plus vulnérables à l’asphyxie. Là où se concentrent nos pêcheries, nos récifs, nos mangroves.

On parle ici de phénomènes qui dans le passé ont duré entre 100.000 et 200.000 ans. 
À l’échelle humaine, c’est toute une évolution puisque Homo Sapiens à +/- 300.000 ans Mais à l’échelle de notre impact actuel, ce n’est pas assez long pour qu’on puisse se permettre d’attendre.

La machine que nous sommes

Conclusion ? Nous sommes en train de rejouer un film catastrophe, mais en accéléré. 
Les "rots" de carbone d’autrefois prenaient leur temps. Nous, on rote comme un AK47. 
Et cette fois, personne ne peut dire qu’on ne savait pas.

Et au-delà de l’aspect climatique, cette dépendance au carbone révèle une autre vérité : à force de déléguer aux machines et aux systèmes industriels, on perd des savoir-faire essentiels. Dans un monde bouleversé, les compétences qui compteront vraiment seront celles qui réparent, cultivent, relient.

Pas celles qui optimisent l’algorithme du confort.

Bref, décarbonation, efficacité, sobriété et amour sur vous !

Sources :  Jitao Chen, Shihan Li, Shuang Zhang, Terry Isson, Tais W. Dahl, Noah J. Planavsky, Feifei Zhang, Xiang-dong Wang, Shu-zhong Shen, Isabel P. Montañez. Repeated occurrences of marine anoxia under high atmospheric O 2 and icehouse conditionsProceedings of the National Academy of Sciences, 2025; 122 (26) DOI: 10.1073/pnas.2420505122

Vinz

Le jour où les océans ont cessé de respirer…
Vinz 25 juin 2025
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